Débranche tout à la Ferme des Vônezins !
COMME UNE ENVIE D’OUBLIER LA CIVILISATION L’ESPACE D’UN WEEK-END, DE DÉBRANCHER TOUT, DE REVENIR À NOUS… L’ADRESSE S’ANNONÇAIT TERRIBLEMENT PROMETTEUSE : ELLE NE FIGURE SUR AUCUNE CARTE ! UN CHALET D’ALPAGE AU MILIEU DE NULLE PART, ET POUR S’Y RENDRE, UNE PETITE ROUTE QUI S’ÉCHAPPE DE LA VALLÉE DE THÔNES, SE FAIT LA BELLE DANS LA MONTAGNE, ET S’ÉVAPORE DANS UN VIRAGE. LE RESTE DE L’AVENTURE, C’EST SUR NOS 2 PIEDS QU’IL FAUDRA LA CHERCHER…
“Dis chéri, on fait une pause pour que je prenne quelques photos ?
– Mais lapin, on s’est déjà arrêté il y a 50 mètres pour en faire…
– Oui, mais c’est tellement beau avec ce soleil couchant…
– En vrai, tu veux reprendre ton souffle, c’est ça ?”
Bon, on ne va pas se mentir, dès qu’il faut grimper un peu, je ressemble à un vieux solex sous gitane maïs : je fais beaucoup de bruit, je n’avance pas vite et faut me pousser tout le long ! Alors 700 m de pente raide, me voilà red cramoisie arrivée en haut, avec de quoi réaliser 12 albums photos sur mon téléphone et bientôt plus de batterie. Quant à mon homme, il est frais comme un gardon… Promenade de santé pour lui, on n’est pas tous égaux devant les forts !
“700m de grimpette : c’est notre plus grande force et notre plus gros problème…”, reconnait Philippe, le maitre des lieux. “L’avantage du chalet, c’est qu’il est en pleine montagne, loin de tout, dépaysement total, tranquillité absolue et moment hors du temps garanti. Mais il y a toujours des personnes qui ne veulent ou ne peuvent monter, alors on fait des navettes, en moto neige en hiver, en 4X4 l’été. Mais Les Vônezins, ça se mérite !”
Plus de repères dans ce repaire !
Pas peu fière de mon exploit sans assistance, ni voiture balai (à chacun son Everest !), je peux apprécier une nouvelle fois le cadre d’un peu plus haut. Les Aravis à 360°, pas une habitation à l’horizon, le chalet des Vônezins semble déconnecté de la société, coupé du temps, de tout, la nature partout qui rougit de ce soleil en chemise de nuit, un étang sommeille à nos pieds, une parenthèse enchantée dans ce monde qui ne tourne plus bien rond ces derniers temps.
La nuit tombante, on se laisse guider par la lumière filtrant des fenêtres de ce vieux chalet qui semble avoir mille histoires à nous confier au coin du feu… Sitôt le seuil franchi - tête baissée pour ne pas perdre quelques centimètres au passage, rituel à renouveler à chaque franchissement de pièce : le Savoyard est blagueur ! -, c’est en effet l’âtre crépitant qui nous attend tout en fumant les jambons et saucissons pendus quelques mètres plus haut : le Savoyard ne perd pas le nord !
Et des histoires, ces poutres datant de 1632, pour les plus anciennes, pourraient en raconter à foison… Par pudeur, elles en tairont certaines, mais se feront plus disertes sur d’autres. Ainsi, apprendrons-nous que le chalet prit sa forme actuelle en 1787. Pendant 2 siècles, il n’abrita que vaches, cochons, chèvres et moutons. La famille de Philippe, installée à Annecy, possédait bien un chalet en contrebas pour s’y réfugier les week-ends et vacances. Mais la Ferme leur faisait de l’œil. Elle en fera l’acquisition en 1989, pour le bonheur de Philippe, devenu grand. Enfin, façon de parler : lui passe les portes sans courber l’échine, ce chalet semble définitivement taillé pour lui.
L’âme de fonds
Un goût du contact très prononcé, un sens de la déco particulièrement aiguisé, et un vieux mazot, ou plus exactement une ruine à retaper, l’histoire est amorcée. De résidence secondaire, elle deviendra principale, puis bientôt maison d’hôtes quand la famille cèdera ses boutiques en ville à l’aube des années 2000. Pour Philippe, la reconversion est toute trouvée !
Mais avant, il lui faudra une bonne dizaine d’années pour lui redonner corps, des fondations au toit, retrouver une âme oubliée sous un tas de bois, et offrir tout le confort rêvé, jusqu’à la piscine intérieure à contre-courant : il faut bien entretenir son corps d’athlète !
Puis encore une volée pour l’agrandir de 200 m2, avec cuisine professionnelle pour créer un restaurant, des chambres d’hôtes, dont l’une recouvre maintenant la piscine - Philippe capitalisera désormais sur ses acquis ! - et même des mazots en dépendances.
En tout, ce sont désormais 500 m2 de coins et recoins, de poutres et portes traitres, de meubles séculaires et de curiosités échappées d’une autre vie. “C’est un virus familial ! Mon arrière-grand-père genevois était un grand chineur. Il a d’ailleurs mangé toute sa fortune dans la chine et la brocante. Une catastrophe ! Papi l’était également (chineur, pas une catastrophe !), alors que Mamie pestait contre toutes les «saloperies dégoutantes» qu’il rapportait à la maison. Maman était piquée aussi. Quant à moi, je suis le seul des quatre enfants à être mordu de chine, toujours à l’affut. C’est mon côté Saint-Bernard, j’adore sauver les choses, de même que les chiens, les chevaux, les animaux en général… Ça a commencé avec les meubles et les objets, à ne plus savoir où les mettre. Je m’interdis maintenant d’aller à la déchetterie de Thônes. Je repars toujours de là-bas la voiture plus chargée qu’à l’aller ! Les gens jettent tout aujourd’hui : des jolis meubles à la benne au profit de 3 planches suédoises, montées avec un peu de scotch et 2 vis ! Très peu pour moi ! Je ne suis sûrement pas dans l’air du temps, mais je suis tellement plus heureux ainsi. Alors, oui, la déco est éclectique, elle vient pour beaucoup de brocanteurs et d’antiquaires. Tous ces objets surannés donnent une âme, racontent une histoire… Et je trouve ça tellement beau. Et moi, j’ai besoin de toutes ces vieilleries pour me tenir compagnie !”
Une compagnie dont les troupes seront renforcées du superbe Buck, un malamute d’Alaska, un rien dévastateur chez cette famille de clients, qui s’avèrera sage comme une image de passage aux Vônezins, et dont Philippe héritera inopinément, de Leika aux yeux bleus délavés qui lui vaudront le surnom de Michèle Morgan, de Mademoiselle Gaufrette, le teckel, alias Ratatouille dès qu’il passe sa truffe en cuisine, de Teddy, de Mirka… sans oublier les 3 chats dont le plus jeune affiche 26 ans au compteur !!!
L’alpage à la page
C’est qu’on y est si bien, là-haut, dans ce chalet et ses 4 sublimes chambres et suites d’hôtes, spacieuses, confortables et merveilleusement décorées des coups de cœur hétéroclites du propriétaire, tableaux, sculptures et meubles «habités», mais aussi, encore plus déconcertant, d’équipements high tech Bang et Olufsen, vestiges de son ancienne vie à la ville, à se faire chouchouter par Philippe, ses p’tits plats et sa spontanéité aussi désarmante que charmante. Au final, je le sens déjà : la descente va être plus dure que la montée !
Le Zébulon de la montagne enchantée
En cuisine, Philippe s’affaire, aidé depuis peu par Jordan, la «saucisse» Ratatouille supervisant tous les plats. 35 couverts midi et soir, 50 l’été avec la terrasse. Une carte généreuse à base de produits du terroir, des plats authentiques qui lui viennent de sa grand-mère, sans tralala, piochant ici et là aux traditions lyonnaises et savoyardes, gourmands et copieux pour ravitailler les troupes de retour d’une balade en raquettes sur le plateau de Beauregard l’hiver ou d’une rando dans les Aravis aux beaux jours.
L’établissement reste ouvert à l’année, Philippe et sa fine équipe (Sylvie la gouvernante, Jordan en cuisine, Vincent aux manettes, Perrine et Léo au service), -sur 2 ou 4 pattes- fidèles au poste. “Qu’est-ce que tu veux que je ferme ? Pour rester tout seul ici ? Je m’emmerderais ! Et pour partir ? Avec 6 chiens, 3 chats, 15 chèvres et 2 chevaux, y a pas d’arche qui m’attend en bas ! Mais je suis si bien là, et puis j’ai une bonne vocation d’ermite à la base.”
Un ermite, à la langue bien pendue, au sens de l’accueil extraordinaire et au goût exquis… “C’est qu’on est plus à l’époque du grand-père d’Heidi ! On a même internet ! Et c’est pas mal d’accueillir du monde ! On fait de sacrées rencontres au final !” On y croise même des vieux solex qui redescendent en silence… Le moteur gonflé à bloc.
Promis, je remonterai !
5207 route de Glapigny, Thônes, 04 50 68 18 29